This article is part of a series of three that explore how public authorities and private organizations in emerging countries can take advantage of the stablecoin opportunity, while preventing the associated risks
Relectures : Matthieu Chassagne, Laurent Hanout, Pierre-Yves Dittlot, Greg Scullard
Cet article s’inscrit dans une série de trois articles qui explorent la façon dont les puissances publiques des pays émergents peuvent tirer parti de l’opportunité des stablecoins, tout en prévenant les risques associés. Plutôt que d’opter pour leur interdiction comme l’a fait la Chine, souvent difficile à appliquer, les pays émergents ont intérêt à adopter d’autres stratégies.
Les stablecoins sont un type particulier de crypto-actifs : leur valeur est fixée pour correspondre à un actif réel, tel qu’une monnaie fiduciaire traditionnelle ou des ressources naturelles.
La majorité des stablecoins actuels sont indexés sur le dollar américain soutenus par une réserve collatérale qui garantit leur liquidité. Cependant, comme nous le verrons, d’autres méthodes peuvent être utilisées pour assurer cette stabilité.
L’avantage principal des stablecoins est leur faible volatilité par rapport d’autres crypto-actifs, ce qui ouvre la voie à de nombreux usages potentiels.
Le premier article offrait un aperçu de l’état de l’art des stablecoins, notamment dans les pays émergents. Ce second article vise à définir ce que pourraient être des stablecoins locaux (ou nationaux) basés sur des monnaies locales ou des actifs réels (RWA) propres aux pays émetteurs. Le troisième article examinera les divers usages des stablecoins et compare les différences entre les stablecoins indexés sur le dollar avec ceux indexés sur les monnaies ou actifs locaux.
Avant de comparer les stablecoins adossés au dollar et les stablecoins locaux, il est essentiel de bien définir ces derniers. Examinons les aspects clés de leur fonctionnement, notamment le type de blockchain sur lequel ils sont disponibles, les émetteurs potentiels, et la nature des réserves qui les sous-tendent.
Avant de choisir une blockchain, identifions les avantages que cette famille de technologies apporte pour opérer une monnaie digitale et programmable reconnue légalement dans un pays, ce qui pourrait être le cas d’un stablecoin local.
La blockchain possède des caractéristiques uniques, qui ont permis l’émergence du Bitcoin sur la scène monétaire internationale. Bien que le Bitcoin ne soit pas considéré comme une monnaie traditionnelle, il est accepté comme monnaie légale au Salvador. Son succès réside dans sa capacité à permettre des échanges de valeur sécurisés et sans intermédiaire à l’échelle mondiale.
La technologie sous-jacente — elle repose sur un assemblage ingénieux de fonctionnalités et de protocoles développés sur environ 40 ans, initiés par l’émergence de la cryptographie digitale avec le protocole de cryptographie à clef publique RSA en 1974.— confère à la blockchain toutes les caractéristiques nécessaires pour établir une monnaie digitale fiable.
Dans ce contexte, la blockchain offre confiance, disponibilité, sécurité, universalité, infalsifiabilité, et un faible coût de mise en œuvre, toutes essentielles pour une bonne monnaie.
La confiance découle du fait que les transactions sont contrôlées uniquement par un algorithme. Si l’on a confiance en cet algorithme, on a confiance en la monnaie qu’il régit. Or, la sécurité inhérente au système rend la monnaie infalsifiable grâce à la cryptographie. Les actifs digitaux sont sous le contrôle total de leur propriétaire s’ils gèrent eux-mêmes leur clé privée.
La disponibilité est totale, puisque la blockchain fonctionne 24h/24 et 7j/7, toute l’année.
L’universalité résulte de la large diffusion des technologies internet mobile, particulièrement dans les pays émergents où il y a souvent plus de téléphones mobiles que de comptes bancaires.
Le coût minime de création et de fonctionnement d’une crypto-monnaie est bien inférieur à celui d’une monnaie physique traditionnelle, laquelle nécessite des ressources naturelles importantes pour sa production et son infrastructure (coffres, transports de fonds, distributeurs de billets, etc.).
La blockchain ajoute également l’immutabilité des transactions et la programmabilité. L’immutabilité des transactions est le fait qu’il est impossible de modifier les écritures et mouvements passés, car ceci serait immédiatement détecté par l’algorithme. Au-delà d’être le moyen de transport de la valeur, la blockchain va également servir de livre comptable universel, tout le monde ayant la possibilité de revoir toutes les transactions qui ont été effectuées, depuis le début.
La programmabilité est une différence majeure avec les systèmes monétaires précédents, permettant un système monétaire programmable avec des caractéristiques précises. Par exemple, il est possible de programmer le rendement de la monnaie, son taux de collatéralisation, ses mécanismes d’inflation / déflation,.. Les règles sont concrétisées dans des contrats intelligents exécutés sur toutes les machines du réseau décentralisé.
Comme on le voit, la blockchain ouvre des perspectives très importantes, qui ont le pouvoir de modifier profondément les systèmes monétaires de l’économie mondiale, sur la base d’un paradigme très différent de tous les précédents systèmes. Nous sommes à l’aube d’une véritable révolution monétaire.
Cependant, cette technologie pose aussi des défis tels que l’anonymat possible, la surveillance des transactions illicites, la souveraineté technologique, le respect de la vie privée, l’interopérabilité des blockchains et la prévention des fraudes. Ces risques doivent être pris en compte pour lancer une monnaie digitale utilisant la blockchain. Une réglementation appropriée peut anticiper bon nombre de ces problèmes, comme le montre l’initiative MiCA en Europe ou Vara aux Émirats Arabes Unis.
Un stablecoin local est idéalement émis sur une blockchain publique, même si celle-ci n’est pas nécessairement souveraine, c’est-à-dire que tous ses nœuds ne sont pas forcément localisés dans le pays émetteur.
Certains États préféreront une infrastructure entièrement maîtrisée localement (blockchain locale). Cela reste peu réaliste à court terme dans de nombreux pays, où les stablecoins basés sur le dollar sont déjà bien établis. Les blockchains modernes, offrant des frais de transaction très bas, une grande capacité à montée en charge et un niveau de sécurité suffisant, sont principalement de grandes blockchains publiques mondiales.
Aujourd’hui, les blockchains Ethereum et Tron dominent le marché. Ethereum a été la première à accueillir des stablecoins, tandis que Tron a rapidement pris la deuxième place, en offrant des frais de transaction inférieurs à 1$ indépendamment du montant envoyé.
Il est important de noter qu’un même stablecoin peut être disponible sur plusieurs blockchains, ce qui a contribué au succès de Tether (USDT) le premier à se déployer sur divers réseaux, qui détient plus de 60% de la capitalisation totale des stablecoins.
Les stablecoins locaux suivront probablement cette tendance : leur succès dépendra de leur disponibilité sur plusieurs blockchains, notamment les plus utilisées.
L’interopérabilité et l’adoption multi-chaînes sont cruciales pour assurer la pérennité des stablecoins locaux. En s’appuyant sur des blockchains éprouvées et largement adoptées, ces monnaies peuvent bénéficier d’une sécurité renforcée et d’une portée mondiale, tout en permettant aux États d’exercer une influence certaine sur leur politique monétaire locale. Toutefois, cela nécessite une infrastructure technologique robuste et une réglementation adéquate pour gérer les défis associés à l’usage des stablecoins dans un contexte économique globalisé.
Un stablecoin local pourrait être émis par différents types d’organismes, en fonction de la réglementation locale sur les crypto-actifs.
Théoriquement, un stablecoin local pourrait être émis par des institutions privées ou par une institution publique telle qu’une Banque Centrale. Dans ce dernier cas, il se rapprocherait d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), selon le niveau de délégation accordé par la banque centrale pour sa gestion à d’autres acteurs (banques, fintechs, etc.) et la technologie employée pour son déploiement, notamment s’il s’agit d’une blockchain publique non soumise à permission ou une blockchain complètement privée.
Il est intéressant à ce titre d’observer la gouvernance qui a précédé et conduit le système PiX brésilien de paiements instantanés via mobile. Ce système ne s’appuie pas sur la blockchain, mais il a été conçu par un groupe de 700 acteurs du monde financier et du paiement brésilien, sous la coordination de la banque centrale. Elle a défini les API, elle a construit l’infrastructure de on boarding des clients (KYC..), qu’elle met à disposition de tous. Elle délègue entièrement la commercialisation du service PiX aux acteurs financiers qu’ils soient des grands groupes ou des startups fintech qui innovent au-dessus du système PiX qui est un très gros succès au Brésil. Ce genre de modèle de gouvernance pourrait être utilisé dans certains pays émergents pour la gestion d’un stablecoin local.
Cependant, l’urgence de réduire l’usage des stablecoins en dollars incite fortement à favoriser l’innovation dans ce domaine, et donc à autoriser les acteurs privés à émettre des stablecoins locaux. Le principal défi dans ce contexte sera l’interopérabilité si plusieurs stablecoins coexistent sur le marché. Cette interopérabilité est généralement facilitée par les échanges ou les portefeuilles numériques qui permettent de passer facilement d’un stablecoin à un autre avec des frais réduits, comme c’est le cas avec les stablecoins basés sur le dollar.
La blockchain est en train de révolutionner le système monétaire en permettant la coexistence de plusieurs monnaies sans problème majeur, grâce à une liquidité presque toujours disponible et des frais de change fixes et bas, contrairement aux monnaies fiduciaires.
La concurrence entre différents stablecoins locaux pourrait conduire à une concentration du marché, car il n’est pas simple d’assurer la rentabilité d’un projet de stablecoin et de constituer les réserves nécessaires. Il y a fort à parier que les banques s’allient pour émettre un stablecoin commun comme récemment aux Philippines, elles y auraient intérêt. Cependant, on peut envisager des scénarios de coexistence dans les grands pays entre différents stablecoins libellés en monnaie locale pour divers usages : transferts d’argent, épargne et prêt (avec incitations), paiements locaux ou trading avec d’autres crypto-actifs (Bitcoin, altcoins).
Les réserves collatérales d’un stablecoin local doivent être constituées en fonction des possibilités offertes aux émetteurs par la réglementation locale, laquelle reste souvent peu développée dans les pays émergents.
Nature des Stablecoins
Pour des raisons de souveraineté et de contrôle, un stablecoin local serait probablement “centralisé” à savoir créé et administré par une entité unique qui constituerait et assurerait les réserves collatérales “off chain” (gérées en dehors de la blockchain). Tether et Circle en sont les premiers exemples. En effet il existe aussi des stablecoins à gouvernance décentralisée, dont la stabilité est garantie par un collatéral en crypto-actifs “on-chain”, ou aux stablecoins algorithmiques (par exemple le DAI), stabilisés par des contrats intelligents. Ces derniers sont souvent perçus comme trop risqués et difficiles à contrôler pour les autorités monétaires.
Il semble donc naturel qu’un stablecoin local soit adossé à des actifs économiques du pays, tels que des réserves de monnaie locale ou des ressources naturelles, propres au pays. Les approches décentralisées pourraient avoir un avenir à long terme, mais elles semblent exclues à court terme, même si elles présentent certains avantages, le principal étant de permettre une gouvernance décentralisée ou communautaire, préférable dans certains cas à un acteur centralisé.
Rôle et Nature des Réserves Possibles
La constitution de réserves collatérales concrètes est essentielle pour établir la confiance dans ces nouveaux moyens d’échange. Un stablecoin a une durée de vie limitée, qui s’achève lorsqu’il est converti en monnaie fiduciaire. Les émetteurs doivent donc bloquer ces réserves et prouver leur existence en permanence. Le cadre réglementaire devra sécuriser ces réserves en définissant la nature acceptable des réserves (monétaires, titres de dette souveraine mais qui pouvoir être revendus à court terme, stocks de matières premières) et en assurant leur stabilité et transparence. Un certain niveau de sur-collatéralisation (avoir un niveau de réserves supérieur à la valeur en circulation) pourrait également être imposé.
En conclusion, bien que les stablecoins locaux offrent une voie potentielle pour maintenir le contrôle monétaire local au pays, leur succès dépendra de la mise en place d’une réglementation robuste et de la capacité à constituer des réserves solides et transparentes.
En théorie, les réserves collatérales d’un stablecoin local peut être constitué de plusieurs façons, qui vont dépendre des possibilités offertes aux émetteurs de stablecoins.
Comparons les possibilités de réserves collatérales :
Ce tableau met en évidence qu’il n’existe pas de solution idéale de garantie de la valeur pour les stablecoins, et qu’il y a de la place pour plusieurs types selon leur usage et les conditions économiques spécifiques de chaque pays.
La programmabilité de la blockchain permet de combiner divers types de réserves.
L’utilisation de réserves en monnaie locale est peu recommandée dans les pays souffrant d’une forte inflation, car un stablecoin basé sur une telle monnaie ne serait probablement pas compétitif par rapport à un stablecoin adossé au dollar, notamment pour l’épargne.
Le terme “stablecoin” peut être trompeur. Un jeton indexé sur une monnaie volatile ou inflationniste n’est pas stable du point de vue de l’utilisateur final. Les termes “backed coin” ou “realworld asset coin” seraient plus appropriés, indiquant que le jeton tire sa valeur d’un autre actif, qu’il soit stable ou non.
Certains pays font face à un écart important entre le taux de change officiel et celui du marché noir, dû à un contrôle des changes strict et une demande de devises étrangères supérieure à l’offre. Par exemple, en Algérie, cet écart atteint 40 %. Le Nigeria, l’Iran, l’Argentine, le Venezuela et le Zimbabwe connaissent des situations similaires, souvent à cause de l’inflation locale. Utiliser la monnaie locale comme réserve pour un stablecoin local se heurte à cette réalité.
Si le stablecoin ne peut être échangé qu’au taux officiel, il sera peu attractif pour les apports d’argent internationaux, pourtant cruciaux pour ces économies. D’autres méthodes de garantie pourraient ne pas être plus rassurantes. Cependant, adosser un stablecoin à des matières premières pourrait résoudre certains problèmes structurels, comme le manque de devises.
La possibilité d’émettre des stablecoins dont la valeur reposerait sur des ressources naturelles présente un potentiel intéressant. Cela pourrait inciter certains pays émergents disposant de réserves prouvées de matières premières à lancer des expérimentations, notamment ceux qui subissent une forte inflation ou un écart significatif des taux de change, ou dont l’économie repose sur des échanges en espèces majoritairement informels.
De nombreux projets de tokenisation sur blockchain existent déjà pour des matières premières précieuses ou rémunératrices, ce qui revient à émettre des stablecoins basés sur ces ressources. Des tokens ont été créés basés sur l’or, les diamants, l’hydrogène naturel, l’énergie solaire, etc., et ce marché est en forte croissance. Ces projets sont souvent initiés par de petites startups privées et n’ont pas pour objectif principal de résoudre les problèmes des systèmes monétaires nationaux. Cependant, certains projets intéressants émergent, comme l’émission d’un stablecoin basé sur l’or ou les diamants, destiné aux petits épargnants dans les pays soumis à une forte inflation, ou d’autres visant à faire financer par la collectivité de détenteurs de stablecoins des projets à impact.
Au niveau d’un État, un tel stablecoin pourrait attirer des investisseurs sur les marchés des matières premières et injecter des devises dans le pays. Cela nécessitera juste que les investisseurs aient confiance dans les mécanismes de preuve et de sécurisation des stocks de ressources naturelles constituant la contrepartie des stablecoins émis, ainsi qu’une réglementation stable concernant ces actifs digitaux.
Il est également crucial que ce stablecoin ne soit pas uniquement considéré comme un titre de dette destiné à des investisseurs étrangers qui se rembourseraient sur les extractions et ventes futures de ces ressources. En effet, une fois émis et envoyé aux investisseurs, ce stablecoin devrait pouvoir être réinjecté dans l’économie du pays d’une manière ou d’une autre.
Pour ce faire, le stablecoin dont la valeur serait définie par une certaine quantité de ressources naturelles — par exemple un gramme d’or (environ 80 $) — devrait pouvoir être échangé à tout moment contre de la monnaie locale. Cela nécessiterait que l’émetteur du stablecoin vende la quantité d’or correspondant au besoin de l’utilisateur pour lui fournir cette liquidité. Cela pose cependant des défis concrets en matière de gestion de la vente de l’actif collatéral, qui pourraient être difficiles à gérer mais pas impossibles. On peut même imaginer que l’or (ou d’autres minerais) encore dans le sol et non encore découvert puisse servir de garantie, puisqu’on sait prouver aujourd’hui avec une assez grande précision la quantité de minerai dans le sol. Ce qui pourrait peut-être permettre d’éviter d’extraire cet or, qui sinon serait stocké et immobilisé dans une banque centrale. La vente de l’or à une autre banque centrale, serait simplement l’exécution d’une seule transaction sur la blockchain.
Dans tous les cas, on peut observer qu’un tel stablecoin pourrait trouver son marché comme produit d’épargne local, à condition que les problèmes pratiques liés à la réglementation et à sa réinjection dans l’économie soient résolus.
Il est également envisageable de créer des tokens (ou jetons) basés sur les ressources énergétiques renouvelables présentes ou futures dans le pays. En effet, il est relativement facile de garantir les revenus futurs d’une centrale hydroélectrique ou d’un champ de panneaux solaires.
On ne peut pas à proprement parler de stablecoins dans ce cas là, mais plutôt d’un produit financier de type tokenization d’actifs du monde réel (Real World Asset). Mais ces jetons pourraient servir de garantie à l’émission de stablecoins locaux.
Avantage supplémentaire, il est possible d’automatiser totalement la mesure de l’énergie produite qui confère la valeur au token émis. L’investisseur pourrait se rembourser grâce à son investissement avec un intérêt ou une plus-value si la valeur de l’énergie sous-jacente augmente — ce qui est probable dans un monde toujours plus avide d’énergie.
Les revenus générés par le minage du Bitcoin pourraient également servir de réserve pour ces stablecoins locaux. A condition d’investir au bon niveau ce revenu est garanti et sans risque lié à la production électrique du pays, constituant ainsi une garantie solide pour un stablecoin. L’Éthiopie a récemment compris ce qu’elle pouvait tirer de la blockchain en permettant des investissements massifs dans le minage du Bitcoin et en devenant le premier acteur africain avec 600 MW de puissance installée principalement d’origine hydroélectrique. Cela lui a déjà permis de générer 55 millions $ en revenus en 2024.
Les possibilités sont donc vastes et varient en termes de délai de mise en œuvre. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire pour concrétiser ces idées, les annonces récentes aux États-Unis concernant la constitution de réserves stratégiques en Bitcoin inciteront probablement plusieurs États à s’intéresser aux avantages potentiels offerts par la blockchain. Par ailleurs, le fait que certains pays émergents adoptent déjà des législations détaillées et non restrictives concernant les crypto-actifs crée également un environnement favorable aux initiatives autour des stablecoins.
Avant d’explorer les usages possibles des stablecoins pour les citoyens, il est crucial de mentionner l’idée de stablecoins supra-nationaux, non basés sur le dollar, initiée par plusieurs pays. Cette idée a gagné en notoriété grâce aux initiatives Brics Pay et Brics Bridge, lancées en 2018 par les pays membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) pour renforcer leur coopération économique et financière.
BRICS Pay et BRICS Bridge
Brics Pay vise à établir un système de paiement numérique interbancaire, facilitant les transactions entre les pays membres tout en réduisant la dépendance aux systèmes financiers occidentaux. Cette plateforme permet des échanges commerciaux plus rapides et moins coûteux, favorisant ainsi le commerce intra-BRICS. Brics Bridge se concentre sur l’intégration des infrastructures numériques pour améliorer la connectivité entre les nations membres, renforçant non seulement les échanges commerciaux mais aussi la collaboration sur des projets technologiques.
Ensemble, ces initiatives visent à promouvoir la souveraineté économique des BRICS, à créer un écosystème financier alternatif au système dominant, et assurer ainsi une plus grande autonomie et résilience face aux incertitudes géopolitiques. L’utilisation de la technologie blockchain est envisagée comme composant principal de l’infrastructure de ces services, avec l’émission d’un stablecoin garanti par un panier composé des devises souveraines des pays BRICS.
Avantages Économiques et Défis
Bien que cette initiative puisse être perçue comme une démarche politique pour accélérer la dé-dollarisation des échanges, elle présente également des avantages économiques évidents pour ses membres. Un tel système permettrait de réduire les échanges effectifs de monnaie souveraine en les reportant en fin de période sous forme de transferts de compensation après que la blockchain ait synthétisé tous les échanges entre les pays. Jacques Sapir explique dans une vidéo comment ce mécanisme a été mis en œuvre en Europe entre 1950 et 1958.
Si cette initiative aboutit à un système de paiement non basé sur le dollar accessible à tous les membres des BRICS, elle pourrait offrir une solution efficace pour les transferts d’argent entre pays, tant pour les individus que pour les entreprises, actuellement souvent lents et coûteux. Cependant, plusieurs années seront nécessaires pour sa mise en œuvre complète en raison de la complexité de coordonner plusieurs pays. Il est également envisagé que ce système puisse coexister et être interopérable avec des stablecoins locaux lancés précédemment par les pays membres.
Perspectives Futures
On peut imaginer l’émission de stablecoins monétaires servant de monnaie pivot entre des zones géographiques ayant des échanges commerciaux intenses ou souhaitant développer leurs échanges au sein de communautés économiques existantes ou nouvelles.
En attendant, les stablecoins basés sur le dollar continuent de prospérer. La question reste ouverte : pourront-ils être défiés par des stablecoins locaux ?
Le dernier article tentera d’apporter une réponse.